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Dernier train pour un samouraï

On dirait le titre d'un thriller un peu épique. Mais c'est juste le récit d'une de mes pérégrinations, avec une touche nippon.
Dernier train pour un samouraï
Photo by Nguyen Hung / Unsplash

Sète 21h20, 30 minutes d’attente pour le train (encore un) qui me ramènera à Baillargues, mon nouveau lieu de résidence. C’est le dernier de la soirée donc pas intérêt de le rater. Et merci la SNCF de ne pas le supprimer celui-là 🙏🏼. 30 minutes c’est aussi la durée du trajet entre les gares TER de Sète et Baillargues. À cela il faut rajouter les 8mn de vélo pour rejoindre la gare depuis chez moi et les 8mn supplémentaires entre la gare de Sète et … mon potentiel futur dojo. Un peu plus de 3/4 d’heure porte à porte, pour 1h de cours. Est-ce que ça vaut le coup ?

J’ai testé 3 dojos avant celui-ci, en assistant simplement aux cours et en discutant avec des pratiquants et les tenanciers des lieux. L’esprit et l’ambiance étaient bons à chaque fois mais il me manquait un petit truc. J’y ai vu des gens qui prenaient du plaisir, heureux de se retrouver et de partager leur passion commune. Mais nulle part j’ai vu le souci du détail et l’exigence que je recherche. Sauf ici dans ce 4eme dojo. Un peu celui de la dernière chance car j’ai fait tous les villages à la ronde et même un club dans Montpellier intra muros, en vain. J’y suis allé plein d’espoir et d’ondes positives car j’étais vraiment malheureux à l’idée de devoir arrêter ma passion ou de pratiquer un karaté au rabais (pas de jugement de valeur là-dedans mais il est vraiment difficile de passer après mon précédent senseï).

La fréquence des trains fait que j’arrive avec 30mn d’avance, ce qui me donne la possibilité d’assister au cours des enfants et de découvrir les lieux, une salle bien équipée à l’étage d’un gymnase. Les horaires étant identiques toute l’année je me projette en m’imaginant plus tard profiter de ce temps pour m’échauffer et réviser mes techniques pour optimiser le temps. J’en profite pour discuter avec la trésorière et son mari qui sont là pour prendre les inscriptions. J’apprendrai plus tard que ce ne sont rien d’autre que les parents de la senseï. J’échange avec des parents qui sont restés regarder leurs bambins. J’observe la maîtresse des lieux et les deux ceintures noires qui l’assistent. Super pédagogie, les gamins progressent dans la détente, encouragés et félicités par leurs professeurs. Hâte de voir le cours adultes. Je connaissais déjà la senseï pour la suivre depuis longtemps sur les réseaux mais je ne savais pas qu’elle enseignait, encore moins qu’elle donnait des cours ici à Sète, à quelques kilomètres de mon nouveau chez moi. J’ai fait cette découverte fortuite quelques jours avant lorsque j’ai élargi mon périmètre de recherche dans la quête de mon prochain dojo. Même si la distance m’a parut importante je me suis dit que ce serait trop bête de ne pas essayer et que je n’avais rien à perdre si ce n’est un peu de temps. L’accueil de Jessica, la senseï, a été chaleureux, tout comme celui des autres professeurs que j’ai rencontrés dans la région. Mais elle a pris encore plus le temps de discuter, de me poser des questions, de s’intéresser à mon parcours, à ma blessure, avec toute sa disponibilité et sa bienveillance. On s’est tutoyés et le courant est de suite passé. Elle m’a trouvé motivé de venir de si loin. « Objectif ceinture noire du coup maintenant ! » m’a-t-elle lancé. « Oui et peut-être plus » j’ai répondu avec un sourire intimidé, feintant mon espoir y arriver à ses côtés. Le cours adultes tient ses promesses. Le niveau est équilibré entre débutants et gradés. Je perçois quelques différences avec l’enseignement que j’ai pu recevoir mais rien de rédhibitoire, ce qui n’était pas le cas des autres dojos dans lesquels j’ai vu de simples détails synonymes de no go. L’expertise et l’expérience sont là. Jessica est juste cinq fois championne du monde kata et ça se sent. J’ai été frappé par son humilité et sa simplicité et c’est peut-être ce qui a fini de me convaincre. Je travaillerai sérieusement comme je sais le faire et je suis convaincu qu’elle m’aidera à tirer le meilleur de moi-même.

Si tu suis tu te demandes peut-être pourquoi lui ai-je répondu « peut-être plus » ? Il me reste une impression de quelque chose d'incomplet et j’ai, comme souvent, encore des choses à me prouver. Si tu me lis depuis le début tu dois voir à quoi je fais allusion. Retour donc à la compétition après plus de 25 ans, le voilà le réel objectif (et maman cette fois tu viendras me voir). Adolescent j’ai été stoppé au stage régional en kata. C’est donc ce que je vise dans un premier temps dans ma nouvelle catégorie de vieux briscard : les vétérans. Mon petit doigt me dit que cette senseï est la bonne personne pour m’y accompagner. Et comme mon ambition n’a pas de limite j’envisage évidemment plus. Travail et patience. Ce qui doit suivre suivra. Je n’envisage pas pour le moment de reprendre les combats car j’en connais une qui n’est pas trop chaude. Même si…

Et pour le trajet ? Tout le monde me dit ici que c’est trop. Mais je vois ça différemment. Je suis en télé-travail et n’ai donc pas de temps de trajet tous les jours. Je me dis que deux cours par semaine ce n’est pas la mort. Et ce temps en TER c’est 2 x 30 minutes pendant lesquelles je n’aurai aucune distraction et pourrai donc continuer d’alimenter régulièrement ce journal et poursuivre la rédaction de Soleil Noir!

Dans le train du retour je me suis quand même dit « que ce chemin est tortueux ». J’ai l’impression d’être continuellement testé et mis à l’épreuve. Que chacun des objectifs que je poursuis m’est rendu un peu plus difficile à atteindre. Et puis je me dis qu’il doit bien y avoir une raison à tout cela. Après tout je vais profiter de l’enseignement d’une senseï extra, Jessica Buil, et pour compléter mon apprentissage j’aurais toujours la possibilité de participer aux stages à Lyon de Steve Piazza (mon ancien senseï) et de Kagawa senseï (mon maître du Japon qui vient en France une fois par an) . Finalement c’est une chance tout ça.

Quoi qu’il en soit je ne rejoindrais pas le club avant le mois de janvier si tout va bien physiquement, comme convenu avec le chirurgien. Et sur mon vélo qui me ramène à la maison une douleur lancinante à la hanche me rappelle que ce n’est pas encore gagné.

On continue. Ne rien lâcher.


🎧 Dans les oreilles